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Rencontre avec Ovidie chez Jaimes pour la 3e édition du festival IMPACTE!

Rencontre avec Ovidie chez Jaimes pour la 3e édition du festival IMPACTE!

Ovidie, était invitée samedi à la librairie Jaimes de Barcelone dans le cadre du festival IMPACTE! Festival de Cinema i Drets Humans de Catalunya (festival de cinéma et des droits humains de Catalogne).

Pierre Boisbunon
Membres Public

La troisième édition d'Impacte! se déroule du 3 au 21 mai dans plusieurs cinémas de Barcelone et des alentours. Ovidie y présentait son documentaire “Le procès du 36” (La turista contra la policía francesa) le soir même à 18 h au cinéma Girona. Devant un public nombreux, elle a répondu aux questions de la journaliste Berta Gómez Santo Tomás, sur le féminisme après MeToo, sur son travail de militante, de réalisatrice et d'écrivaine. Elle présentait également son dernier ouvrage "La chair est triste hélas".

Ovidie a commencé par explorer, sous forme de fictions cinématographiques, le concept de pornographie féministe dans les années 2000. Elle réalise ensuite plusieurs documentaires très remarqués, dont Pornocratie (2017), Là où les putains n'existent pas (2018, prix Amnesty International du meilleur documentaire) ou Tu enfanteras dans la douleur (2019), ainsi qu'une série de fiction, Des gens bien ordinaires (2022). En parallèle, elle conçoit plusieurs émissions radiophoniques dont L'Éducation sexuelle des enfants d'Internet (France Culture) ou encore le podcast La Dialectique du calbute sale (hors-série du Cœur sur la table, Binge Audio). Ovidie est également connue pour ses nombreux essais et bandes dessinées.

Son engagement dans le mouvement féministe et ses observations sur la violence de genre qui règne dans les médias en font une spécialiste des rapports humains. 2017, avec le mouvement Me Too, a été pour elle un formidable point d'inflexion dans la lutte des violences faites aux femmes. Dans le monde du cinéma, et des médias en général, la parole s'est libérée, les femmes ont été écoutées et soutenues. Cependant, cette constatation n'est plus si évidente, comme si le débat semblait lasser. Ovidie dénonce ces rumeurs qui se font entendre de plus en plus : "la société devient puritaine", "on ne peut plus draguer", "on ne peut plus baiser", bref ce serait bien d'arrêter de parler de ce qui fâche. Elle rappelle un fait divers dramatique, objet du documentaire projeté le soir-même au cinéma Girona, qui s'est déroulé en 2014 dans les locaux de la police judiciaire, au 36 quai des Orfèvres à Paris. Une jeune touriste canadienne porte plainte pour viol, commis par trois policiers au sein du commissariat. Ils sont condamnés à 7 ans de prison ferme en 2019, par la cour d'assise de Paris, où plus de 50 journalistes sont présents au moment du verdict. L'effet Me Too a sûrement joué puisqu'une telle condamnation ne s'était jamais vue, encore moins à l'encontre de policiers. En 2022, l'affaire est à nouveau jugée en appel, et le verdict n'est plus le même. Il est donné par le tribunal de Créteil où un seul journaliste est présent. Les policiers sont acquittés.
Elle dénonce cette lâcheté, ce nouveau discours laissant entendre que tout cela n'est pas bien grave, qu'il faut passer à autre chose. Elle s'indigne, et nous avec, lorsque Le Point fait sa une le 12 avril 2023, avec Emmanuelle Seigner (femme de Roman Polanski) et Samantha Geimer (victime de viol à l'âge de 13 ans par ce même Roman Polanski). Le combat est bien loin d'être fini, mais Ovidie fonde tous ses espoirs sur une nouvelle génération plus ouverte, plus tolérante.

Dans son dernier livre, "La chair est triste hélas", elle décide de s'extraire des rapports sexuels avec les hommes. Pour elle, l'hétérosexualité n'est qu'un pouvoir politique et n'apporte que souffrance et soumission. Elle fait vœu d'abstinence, et de son corps, un "mausolée". C'est un ouvrage très intime, sous forme de réflexion, a posteriori, sur sa vie sexuelle. Ce qu'elle a vécu et analysé. Elle fait un choix catégorique il y a plus de quatre ans, et peut-être grâce à cela, grâce à cette distance avec son corps, elle nous propose une réflexion sociologique sur les rapports entre hommes et femmes, sans que ses émotions prennent vraiment le dessus.

Puis, en une page à peine, en une phrase, elle se livre et l'émotion est intense : "Sans le vouloir, j'ai peut-être fait de mon corps le mausolée de mon frère". On pourrait penser que son abstinence, l'analyse de toutes ces années, ce livre, tout cela n'a servi qu'à nous confier cette phrase. L'émotion est d'autant plus forte que la rupture, entre le côté analytique des chapitres précédents et l'émotion ressentie à la lecture de cette confession, est brutale.

Nombreux sont ceux qui vendraient leur âme au diable pour un mot ou pour une phrase. Ovidie n'a rien vendu, elle s'est juste offert une parenthèse, une sorte de méditation de quatre ans pour nous la livrer.

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