Le 1er mai 2023 à Barcelone
La dimension politique du 1er mai naît au XIXe siècle. Cette date devient le jour de la Fête du Travail en 1889. Elle fut choisie en mémoire des morts de la manifestation du 1er mai 1886 à Chicago, qui avait rassemblé 200 000 ouvriers. Lors de cette dernière, les ouvriers avaient réclamé l’instauration de la journée de 8 heures.
En France, en 1890, les ouvriers défilent pour demander la journée de 8 heures. Le 1er mai devient alors un jour de manifestation ouvrière. Il faudra attendre presque 30 ans pour que la journée de travail passe à 8 heures. C'est le 26 avril 1946 que le gouvernement reconnaît le 1er mai comme jour férié.
En plus d'être un jour férié, le 1er mai est une journée de lutte et de revendications pour certains des aspects les plus importants de la vie des travailleurs. Aujourd'hui nous prenons pour acquises des choses aussi évidentes que la journée de travail de 8 heures, mais il fut un temps où travailler entre 12 et 18 heures par jour était la norme.
Cette année encore les manifestants étaient plusieurs milliers à Barcelone. Les principaux syndicats du pays, des organisations telles que Comisiones Obreras (CCOO) et l'Unión General de Trabajadores (UGT) ont appelé à de nombreuses manifestations dans toute l'Espagne.
Dès 11h du matin, de nombreux drapeaux ont commencé à flotter dans les rues : argentin, français, italien, catalan, espagnol, cubain, etc. Une seule voix s'est faite entendre : plus de justice sociale, lutte contre la corruption, refus de l’exploitation des travailleurs, lutte contre des réformes qui rendent toujours plus précaires la vie active et la retraite de l’immense majorité des citoyens.
Personne ne s’y trompe, mais se faire entendre est difficile et parfois dangereux. De nombreux manifestants ont déclaré soutenir le mouvement des grèves et des manifestations en France contre la réforme des retraites imposée en France de façon autoritaire. On sent une véritable force populaire et un discours de plus en plus affirmé contre un système devenu inique, qui met en péril le vivant au profit du « quoiqu’il en coûte ».
Youssef Hanayen, représentant de La France insoumise à Barcelone confirme le ras-le-bol : « Il faut continuer à faire converger les luttes. Le système est à bout de souffle et ça se ressent fortement. Nous sommes en mesure de faire bouger les choses. Il faut s’engager ! ».
Philippe Ogonowski, élu d'Agissons Ensemble était également présent dans le cortège afin d'exprimer son désaccord sur la réforme des retraites en France (64 ans) comme en Espagne (67 ans) et de dénoncer leurs processus de privatisation. Il réclame par ailleurs des augmentations de salaires immédiates et tire la sonnette d'alarme sur l'augmentation impressionnante des accidents du travail, qui révèlent souvent un dysfonctionnement dans l'organisation du travail notamment en termes de conditions de travail et d'emploi.
La Marea pensionista de Catalunya se réjouit également de « l’énorme mobilisation en France des travailleurs et des jeunes, ainsi que d’une solide unité syndicale dans la défense des retraites ». Le mouvement a d’ailleurs décidé de développer une campagne d’information sur le contenu des réformes : Qu’est-ce que cette dernière réforme propose ? Notre système est-il pérenne ? Pourquoi nous dirigeons-nous vers une gestion privée des retraites ? Pourquoi n’y a-t-il pas d’audit de la Sécurité sociale ?
L’inquiétude est grandissante quant à ces acquis sociaux obtenus par la lutte, et qui régulièrement font l’objet de réforme. Jean-Claude Laumonier nous rappelle dans le magazine L'anticapitaliste : « Imposer par surprise (ou par la force) un plan global s’était avéré une méthode dangereuse (référence au plan Juppé de 1995 sur la réforme de la sécurité sociale). Aucun gouvernement ne s’y hasarda par la suite. Afin d’éviter des confrontations sociales d’ampleur, tous poursuivirent une « privatisation rampante » en échelonnant et en segmentant les « réformes » afin de les banaliser et de diviser les salariés. » Jusqu'en 2023...
Une inquiétude que relaie Mediapart en publiant une interview du philosophe Marc Crépon, professeur à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, dans laquelle il déclare : « La France connaît une régression démocratique irréfragable sous le joug d’Emmanuel Macron. Nous vivons une véritable allergie au peuple : une démophobie ».